GHOUL † in their last moments, people show you who they really are

Elle regarde son père, sa mère, sa seule famille ; elle se demande pourquoi elle est seule mais elle sourit, elle cherche de l’attention mais elle ne le montre pas, elle rit à tout et prétend s’en foutre de tout. Luna Fawkes, fille unique d’Edward et Sully Fawkes, fille banale, fille simple. Elle se dresse, puis elle court, puis elle saute, puis elle bondit. Elle sourit, elle sourit encore, elle sourit toujours. Elle sourit, mais ce n’est pas naturel, elle sourit, mais ce n’est qu’une habitude. Elle court, elle saute, elle bondit. Elle hurle, puis sourit. Luna, Luna Fawkes, Luna est une gentille petite fille. Elle n’a rien à dire sur son passé, rien à dire aujourd’hui et sûrement rien à dire dans l’avenir. Enfin, elle le pensait. Luna, Luna Fawkes, Luna n’est qu’un rôle. Elle joue un rôle. Elle est naïve, sensible, généreuse. Elle fait confiance à n’importe qui, ne cherchant pas à découvrir chaque parcelle des personnes qui l’entourent. Luna, Luna Fawkes, Luna est une idiote.
Des parents aimants, des notes moyennes, Luna est une fille simple. Une vie tranquille. Des parents aimants, compréhensifs. Qui pourtant ne voulaient pas de petit-ami. Luna, Luna Fawkes, Luna a peur de grandir. Luna change, Luna commence à devenir paranoïaque. Elle se sent observée ; le moindre de ses mouvements. Luna, ô Luna, elle vieillit, elle devient une belle femme, comme sa si gentille maman. Luna, Luna, Luna, Luna et encore Luna. Elle trouve quelqu’un qui lui porte beaucoup d’attention. Elle trouve quelqu’un qui la comprend. « Luna, Luna, Luna. » Elle trouve quelqu’un qui susurre ces mots d’une telle délicatesse, quelqu’un qui l’aime telle qu’elle est, cette personne si naïve, si innocente. Mais Luna, ô Luna, est-elle réellement innocente ?

Dix-sept, elle a dix-sept ans. Ses parents sont mécontents. Pourtant, Luna prétend avoir trouvé un petit-ami simple, banal, attentionné, à l’écoute. L’homme parfait à ses yeux. Luna s’énerve, elle s’énerve pour la première fois, elle ne sourit pas, mais elle ne pleure pas non plus. Luna, ô Luna, a-t-elle déjà pleuré une seule fois ? Certainement : inconsciemment. Mais Luna, l’infime douceur, a éclaté. Elle se dresse, puis elle court, puis elle saute, puis elle bondit. Encore une gamine ? Peut-être. Pourtant, Luna, adorable Luna, est devenue une femme mature, sûre de ses choix. Voyant leur fille adorée dans cet état, ses parents aimants ont accepté, à condition de le rencontrer. Elle se calme, elle sourit, elle sourit encore, elle sourit toujours. Le soir-même, elle part en rendez-vous, dans un restaurant. Joyeuse, elle mange, pas beaucoup, suffisamment. Et puis elle le voit, lui, son tout, ne rien manger ; enfin, pratiquement. Elle pose doucement sa main, confiante, sur celle du brun, et elle sourit, encore. Elle lui demande si tout va bien, et les quelques mots de l’homme la rassure. Il dit avoir trop mangé ce midi, et qu’il ne veut pas abuser. C’est donc une assiette quasiment vide que la serveuse ramène.
Ainsi, tout déraille, tout se passe de travers. Le soir-même, il devait rencontrer les parents de sa petite-amie. Quand il l’a appris, ce fût une surprise pour lui, et il éclata de rage. La colère montait petit à petit dans son cerveau. Luna, douce Luna, ne pouvait se défendre, toujours noyée dans sa niaise confiance. Il s’approche, l’enlace, lui mord l’épaule. Elle pense que c’est une blague, un jeu étrange, mais le filet de sang coule. Puis toute une flaque de sang. Elle essaie de hurler, mais une main se plaque sur ses lèvres. Elle regarde son petit-ami, pleure, ne sourit plus, et tremble. Il dit qu’il va s’attaquer aux entrailles de sa copine, ce qui la terrifie encore plus. Elle va mourir, elle pense qu’elle va mourir, elle veut mourir. Obstiné par sa nourriture, il glisse ses mains dans le dos de la demoiselle, la griffe, puis aussi dans le ventre, et lui laisse une énorme marque. Luna, douce Luna, perd connaissance.

Elle se réveille, écoute les informations à la télévision. Tout est blanc, tout est vide. « Mort d’une goule dans Manhattan, Luna Charlize Fawkes est miraculeusement sauvée ». Elle ne sourit plus, pleure, se lamente. Elle est vivante. Luna, ô Luna, sauvée par de simples humains. Après le drame, elle sort de l’hôpital, retrouve ses parents et ne voit que des inconnus. Luna, Luna Fawkes, Luna a tellement changée. Il est mort, il a été exécuté, a dit son père. Mange un truc, tu n’as quasiment rien mangé depuis, s’est affolé sa mère. Alors elle a essayé, mais dégoûtée, elle a tout refusé. Elle pouvait manger cette nourriture, mais elle n’en voulait pas. Le goût était insoutenable, simplement dégueulasse, c’était le cas de le dire. L’odeur nauséabonde lui donne mal au ventre, alors elle va voir chez un médecin, qui lui dit que tout va bien, que son organisme est en parfait état. Et puis le soir, plus rien, le soir, un vide total. A table, on lui propose encore et encore cette nourriture qu’elle s’obstine à refuser. Plus tard, dans la nuit, ses parents meurent.

Douce, douce Luna, qui ne ferait pas de mal à une mouche. Affamée, elle était simplement affamée, et terrifiée d’être attirée par de la chair. Oui, de la chair, de la chair humaine, celle de ses parents, celle de sa seule famille. Elle ne sait pas comment, mais ils sont morts, morts comme elle aurait dû l’être. Seulement, elle ne l’est pas, elle a survécu. De goule en goule. Cette histoire lui faisait peur, mais elle s’est vite habituée. Pour survivre, elle devait se nourrir d’un humain. Un seul lui suffisait pour quelques semaines. Sans s’en rendre totalement compte, elle est devenue un monstre, pire que la goule qu’était son ex petit-ami. Le lendemain de la mort de ses parents, elle n’a rien ressenti. La police est venue observer les corps. Luna, jolie Luna, couverte de sang, prétend les avoir secoués pour les réveiller. Ils n’ont pas cherché plus loin, désintéressés, et ont supposé qu’un animal féroce s’était attaqué aux deux morts. Les journalistes, stupides humains, ont insisté sur l’histoire des goules. Rares, les goules étaient rares, mais elles existaient. Et elles existent toujours. Ils pensent que le surnaturel reste le surnaturel, pourtant, tout ça existait.
Luna observait les changements dans son corps. Elle avait la capacité de se régénérer, puisque la marque sur son ventre était guérie. Elle a fait plusieurs tests sur son corps, l’observant chaque jour. Des crocs, des crocs apparaissaient dès qu’elle était affamée. Et d’inexplicables yeux rouges sanglants. Ses ongles devenaient des griffes, qu’elle enfonçait dans le corps de ses victimes pour les éventrer.
Un monstre, Luna était devenue un monstre. Personne ne connaissait son identité, tout le monde surnommait cette bête Ghoul. Elle a donc approuvé ce surnom, devenant réaliste : le monde la rejetait, même si elle le souhaitait, elle ne pouvait rien faire. Son cœur sombrait d’années en années, mais elle ne souffrait plus, elle ne pleurait plus. Elle souriait, elle sourit et sourira encore et encore.

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